lundi 14 septembre 2015

La strada



de Federico  Fellini
sortie  en  1954 
avec
Giuletta Masina : Gelsomina
Antony Quinn :  Zampano
Richard  Brasehart  : il matto  (le fou)
Musique :  Nino  Rota



La strada  s’inscrit  par l’époque de sa création  dans  le  courant  du   néoréalisme  italien  . Fellini  situe  l’histoire  dans l’Italie  d’après guerre  dans  un  univers  portant les stigmates  du récent  conflit  ,  cités détruites  ou  en  reconstruction chaotique  , où  survit  une population aux frontières de  la misère  et  de la  pauvreté  , sédentaires  écrasés par  les emplois précaires  et gens du voyage, marchands   ambulants et  petits cirques  itinérants , prostituées et vagabonds.
Mais le réalisme   à  mon  avis   s’arrête  là,  dans  la construction  du  décor .  Si le comique  , le burlesque, le grotesque  figuraient  bien  dans le  projet jamais  ils  n’échappent  à  la  mélancolie  dominante  . Comme  dans les  Mystères  du théâtre   médiéval et en cela  caractérisé  par   la musique  de   Nino  Rota  , construite  sur  deux thèmes exclusifs , ils  ne  servent  que  d’interlude dans le déroulement  du récit 
Le scénario  met  en  scène  trois personnages qui  dans  la qualité  de leur  interprétation  s’élèvent  au rang  de   personnages archétypaux   et  vont révéler  un chef-d’œuvre inclassable oscillant entre idéalisme   et  symbolisme, réalisme cruel  parfois ,  mais  dans  une  fusion  globalement   poétique qui s’étend   jusqu’aux  métamorphoses  des paysages accompagnant l’évolution  du  drame.
Antony Quinn incarne  magistralement   le   personnage  du taciturne   Zampano ,  la brute totale,   aux réactions  animales et primaires qui domine  ce petit  monde   par   la force  physique  .  Tout son bien   enfermé dans une  misérable   cabane  juchée sur  sa  moto  ,  il va de  village en  village   exhiber  sa force et ses  muscles dans son  numéro  de   « briseur de chaines ».
La misère lui  a attribué une partenaire  en tous points son  opposé.  Gelsomina (Giuletta Masima ) lui a été vendue par sa mère pour se décharger  d’une   bouche de trop  à  nourrir . Un peu simplette Gelsomina suit   Zampano   et   dans son innocence d’adolescente , la jeune  fille calme son  chagrin de  la séparation  par  ses espoirs d’évasion et d’aventure . Bien  vite  elle découvre la nature brutale de l’homme et son insensibilité . Plutôt qu’angélique  Fellini  appuie  dans ce personnage  , sur la douceur   féminine et l’insouciance  de  l’enfance, ces traits de caractère qui  permettent  de  traverser   les épreuves  sans être   perverties par celles-ci .
A hypocondrie  de Zampano répond  la fantaisie  enfantine  de  Gelsomina , comme  la lumière  s’oppose  aux ténèbres , la générosité à  l’égocentrisme et chaque étape de leur  voyage exploite   ce dualisme des personnages .
Dans  ce tableau en  noir  et  blanc  l’apparition d’un troisième   personnage va remettre en cause  cet  équilibre  pervers : il matto  , le fou, vieux  rival  de   Zampano.
C’est un funambule, à la fois  musicien  et  poète . Funambule, il sait la  précarité de   la vie ;  poète, il a la tête dans  les étoiles,  musicien il accède à la  beauté. Gelsomina se  sent irrésistiblement  attirée par le  Fou et Fellini en sous-créateur, insiste  sur  l’harmonie   parfaite des deux personnages en nous offrant   le plus  beau  passage  de  son  œuvre  , ce moment où les deux  personnages  se  découvrent, où des  possibles  lumineux se   dessinent , et où la sagesse   du  fou  s’inclinant  devant  la réalité  met  un terme au  rêve  à peine   ébauché. 
Dans un  émouvant   discours  , sur le sens de  la vie et l’harmonie du  monde , «Tout à forcément sa place  dans  l’univers, y compris  ce modeste  caillou… sinon  à  quoi  serviraient  les étoiles »,   il Matto  généreusement  s’efface  et respecte la  loyauté de  Gelsomina qui semble destinée  à  Zampano . « Qui  resterait   avec  Zampano  si tu n’étais  pas  là ? »….
Après  une nouvelle et  violente  altercation  entre Zampano  et  le  fou dont l’insouciance  le   pousse  à  la provocation, le couple et   le fou  se  séparent jusqu’à   ce que le  hasard provoque une   ultime  rencontre :
Sur  la route  la voiture   du Fou  est  arrêtée ,  un pneu  crevé .  Zampano  encore  sous   le  coup de sa  colère  ne  peut   s’empêcher  de   descendre  de  sa  machine  pour  en   découdre  une   nouvelle  fois  avec  son  rival. Après quelques  échanges  de  coups  la  tête  du   Fou  vient   heurter  une   arête métallique   Il est mortellement  blessé et  va  s’écrouler  un  peu  plus  loin  , mort .
Gelsomina  a assisté  impuissante  à  la scène  et   tandis que   Zampano  s’emploie à dissimuler  les traces de  son  crime  ,  elle   sombre   dans la folie .
Zampano accusant  le   hasard  chasse   tout remord de  son  esprit  . Durant  plusieurs semaines  , espérant  en  la guerison  de   Gelsomina  , il  les  mène   à travers les  montagnes ,sur les chemins  glacés par  l’hiver   dans une  fuite sans  espérance . Il finit  par  abandonner   Gelsomina sur  le  bord  de  la route , toujours en  proie   au  délire .
Plusieurs  années s’écoulent et   Zampano  continue  sa vie  errante  et  solitaire  , de plus en  plus  taciturne  . Un  jour  l’air  que  jouait   Gelsomina  le   rattrape  dans  un  village . Là il apprend   la fin de  Gelsomina .
Fellini termine son  film  sur    le désarroi  de  Zampano , écrasé  par  sa  solitude, levant   pour la  première  fois son regard  vers  les  étoiles , dans une probable   prise  de  conscience de la  médiocrité  de  son  existence  .















































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