lundi 8 septembre 2014

Baudelaire : Le squelette laboureur


                      I
Dans les planches d'anatomie
Qui  trainent sur ces quais  poudreux
Où maint  livre cadavéreux
Dort comme une momie,

Dessins auxquels la gravité
Et le savoir du  vieil  artiste,
Bien  que le   sujet  en  soit  triste,
Ont  communiqué  la  Beauté,

On voit  ce qui  rend plus complètes
Ces  mystérieuses horreurs,
Bêchant comme  des laboureurs,
Des Ecorchés et des Squelettes.

                    II
De ce terrain que  vous fouillez,
Manants résignés et  funèbres,
De tout l'effort  de  vos vertèbres,
Ou de vos  muscles dépouillés,

Dites  , quelle  moisson  étrange,
Forçats arrachés au  charnier,
Tirez-vous , et  de  quel  fermier
Avez-vous  rempli la grange?

Voulez-vous (d'un dessin trop  dur
Epouvantable et  clair  emblèm !)
Montrer que dans la fosse  même
Le sommeil promis n'est pas  sûr;

Qu'envers nous le  néant est  traître;
Quet out  même  la  mort nous ment,
Et que sempiternellement,
Hélas!  il  nous faudra  peut êtrre

Dans quelque pays  inconnu
Ecorcher la terre revêche
Et pousser une  lourde bêche
Sous notre pied  sanglant  et nu ?
(Tableaux  parisiens  )

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