jeudi 12 avril 2012

Poésie russe : Anna Akhmatova


Rimsky-Korsakov - Scheherazade: The Story of the Kalendar Prince [Part 2/4]

Donc    un  petit  saut  en  Russie ...

Dans  son  anthologie  de  la   poésie  russe  du  XVIII au  XXème  s,  Efim  Etkind déclare  : si  en  France   tout  commence par  des  chansons   ,  en  Russie  tout  commence  par des  poèmes ..

".. précurseur, annonciateur  ou à  la rigueur prophète :  telle est  la conception   russe  du  poète. Voilà  pourquoi  de  nos jours  encore  - malgré tous les  effroyables mensonges de  l'époque  stalinienne qui  ont  compromis la littérature  en  entier  et tout particulièrement la poésie - les poètes  qui  disent leurs  vers  peuvent  compter  sur  un  public qui n'est  comparable   qu'à  celui  d'un  grand match   de  football.  Ce  n'est pas le  goût  des vedettes qui  attire ces  foules de jeunes  gens   aux stades où se produisent les poètes ;  c'est la  soif  de la parole   et  de la vérité.
La portée  de  la parole  du  poète  a  toujours été  immense pour la nation.  Jamais  cette  parole n'a connu  la  liberté, mais  l'auditoire  et les lecteurs pouvaient la  comprendre malgré   son  code  qui  était parfois  secret. La     cryptographie poétique  pouvait  changer d'une  époque  à  l'autre,  mais la  foi en  l'importance de la poésie pour le  destin national  restait  inébranlable."
 Il  est  difficile  de  choisir  parmi  les poètes les plus opprimés  ,revenons  encore  une fois  à  Anna  Akhmatova :

Ma bouche ne  sait  plus  sourire-
Lèvres  que  gerce  un  vent  glacé...
Un  vers  en  plus  qu'il  faut  écrire,
Un  rêve  en  moins, qu'il  faut laisser...
Et  malgré  moi  j'offre  en pâture
Ma  romance  au  monnde   moqueur,
Car  l'amour  m'est une torture
S'il  doit  se  taire  dans mon  coeur  .
(1915)

___

Il  est  une limite à toute  intimité,
Ardeur  et passion jamais ne la  franchissent-
Que  d'amour  votre  coeur  soit   tout prêt  d'éclater,
Que le  silence  oppressent et les lèvres s'unissent.   

L'amitié n'y  peut rien ni les ans  de  bonheur
Où de  sublime  ardeur tout l'être   brûle  et  vibre
Quand l'âme  s'affranchit de la molle langueur
Des  lentes  voluptés,  et  se  retrouve libre.

Y aspirent ceux qui  sont pris  de  déraison
Et  la  tristesse  étreint,  pour  peu  qu'on y  parvienne...
 Maintenant  tu  comprends :  c'est pour  cette raison 
Que ma   main  a  cessé de  frémir  sous la  tienne .
 (1915)

___

Autour  du  cou  un  fin  rosaire,
Des mains  cachées  dans un manchon,
Des yeux distraits et  sans  colère
Qui  jamais plus ne pleureront.

Un visage  qui  semble  pâle,
A cause  du  satin  lilas;
Jusqu'aux  sourcils mêmes, s'étale
Ma  frange  qui  ne boucle pas  .

La  démarche est  lente, incertaine ,
Et  n'a rien  du  vol  d'un  oiseau,
Comme  si le parquet  de chêne
2tait  sous mes pieds un radeau.

La  bouche  entrouverte  et  chagrine,
Je  suis  tout  près  de  suffoquer,
Et  frissonnent  sur ma poitrine
Les  fleurs   du  rendez-vous  manqué.
(1921)




1 commentaire:

  1. Bizarre que ces poésies me touchent tant, elles éveillent en moi des rêves évanescents, d'une profondeur intouchable... Jack Broadstone

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