dimanche 11 décembre 2011

Manouchian, Aragon, Leo Ferré , l'affiche rouge

Léo Ferré  met  en  musique  et chante  le  poème de  Louis  Aragon


La  lettre   de  Michel  Manouchian

Fresnes le   21 fevrier  1944 

Ma chère  Mélinée,  ma  petite orpheline  bien-aimée,
Dans  quelques  heures,  je ne  serai  plus  de ce  monde.  Nous  allons  être  fusillés cet  après-midi à  15 heures. Celà  m'arrive  comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant  je  sais  que je ne  te  verrai  plus jamais.

Que puis-je t'écrire ?  Tout est  confus  en  moi et  bien  clair  en même  temps.

Je m'étais engagé dans l'Armée   de  Libération en  soldat volontaire et  je meurs  à deux  doigts de la  victoire  et  du  but. Bonheur  à ceux qui  vont nous survivre  et  goûter la  douceur  de  la  Liberté et  de la  Paix de  demain. .  Je suis sûr que le   peuple  français et  tous les combattants de la  Liberté sauront  honorer notre  mémoire  dignement.  Au  moment  de mourir,  je  proclame  que je n'ai  aucune haine  contre le peuple  allemand et contre qui  que  ce soit,  chacun  aura  ce qu'il méritera  comme  châtiment  et  comme  récompense. Le peuple   allemand  et  tous les autres peuples vivront  en paix  et  en  fraternité après  la  guerre  qui  ne  durera  pas longtemps.  Bonheur  à  tous... J'ai  un regret profond de  ne t'avoir pas rendue  heureuse,  j'aurais  bien  voulu  avoir  un enfant  de  toi, comme tu  le  voulais toujours.  Je te prie  donc de  te marier  après la  guerre , sans  faute,  et   d'avoir un  enfant pour mon  bonheur,  et pour  accomplir ma dernière  volonté,  marie-toi avec  quelqu'un  qui  puisse te  rendre heureuse. Tous mes  biens et toutes mes affaires  je les lègue à toi ,  à  ta  soeur  et  à  mes neveux. Après la  guerre  tu  pourras faire valoir  ton  droit de pension  de  guerre  en  tant  que  ma  femme,  car je meurs en  soldat  régulier de l'armée  française de la libération .
Avec l'aide  des  amis  qui  voudront bien  m'honorer, tu feras  éditer  mes poèmes  et mes   écrits qui  valent  d'être  lus. Tu apporteras mes souvenirs si  possible à  mes parents en Arménie.  Je mourrai avec mes  23 camarades tout à  l'heure avec le  courage  et la  sérénité d'un  homme qui  a  la  conscience bien  tranquille, car personnellement , je n'ai  jamais fait  de mal  à  personne et  si  je l'ai  fait , je l'ai  fait  sans haine.  Aujourd'hui il   y a  du  soleil . C'est  en  regardant  le soleil  et la  belle nature  que j'ai  tant aimée que je dirai  adieu  à  la  vie  et à  vous tous, ma bien  chère femme et es  biens  chers  amis.  Je pardonne   à tous ceux qui nous ont  fait  dum mal  sauf à  celui  qui  qui  nous a  trahis pour  racheter  sa peau et  ceux  qui  nous ont  vendus. Je t'embrasse  bien  fort  ainsi  que ta soeur  et  tous les amis qui  me  connaissent  de loin  ou  de près,  je vous  serre  tous sur mon coeur. Adieu.  Ton  ami, ton  camarade,  ton  mari.
Manouchian  Michel


Ps:  J'ai  quinze  mille  francs  dans la  valise  de la rue  de Plaisance. Si  tu peux  les prendre , rends mes  dettes et  donne le reste  à  Armène.  MM


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