samedi 2 juillet 2011

Le Sacrifice – Tarkovsky

L’Adoration des Mages
Tableau inachevé de Léonard de Vinci (Galerie des Offices à Florence)



Sacrificio, Andrei Tarkovsky – 1986

 Le dernier long métrage de Tarkovsky


La question que je pose dans ce film est à mon sens la plus aigüe : il sagit de labsence dans notre culture, dun espace réservé à la vie spirituelle. Nous avons étendu lespace des biens matériels, nous avons développé les expériences matérialistes sans nous rendre compte de la menace que cela faisait peser sur lhomme, en lamputant de sa dimension spirituelles. Il en souffre et il ne sait pas de quoi il souffre. Il ressent un manque, une absence dharmonie et il en cherche la cause.
Jai eu envie de montrer quon peut renouer avec la vie en restaurant lalliance avec soi-même, en retrouvant une source spirituelle. Et pour acquérir cette espèce dautonomie morale ou lon cesse de considérer uniquement les valeurs matérielles, où lon échappe au statut dobjet dexpérimentation entre les mains de la société, une voie parmi dautres, est de soffrir en sacrifice.

Voilà donc un homme qui se sacrifie pour quelquun, qui comprend que pour se sauver même physiquement, il doit absolument soublier lui-même, trouver un espace pour sa vie spirituelle, accéder à un autre règne. Même si dans le monde tel quil est, son acte parait absurde, même sil est une épreuve pour son entourage, cest en laccomplissant quil prouve sa propre liberté.

Ce film est une parabole poétique. Chaque épisode peut sinterpréter de différentes façons. Je suis bien conscient quil va à contre-courant des idées communément admises aujourdhui. Cest un film 
« à rebours ». Est-il nécessaire de préciser que je suis croyant, que je métonne de ce suicide spirituel (et pas seulement spirituel) vers lequel nous courons, même lorsquun État ne nous y contraint pas, et que je me sens plus proche de la pensée orientale : celle qui, au lieu dengluer les hommes dans le bavardage universel, leur rappelle les Voies du Dedans.
– André Tarkovsky

 

Jean Sébastien Bach, Julia Hamari Matthäus Passion, « Erbarme dich »

 

Sil vous plait, ne regardez pas ce film en observateurs occidentaux, en ethnographes de la chose russe. Le Sacrifice appartient à la littérature mondiale et les sillages sont faciles à reconnaitre. Les noms vénérés sont là : Shakespeare, Dostoievski, mais n’omettons pas la veine de Poe, ce côté Histoires extraordinaires que trahit l'anecdote de la photo où réapparait le fils mort.
Ce film, regardez-le sous un certain angle et vous pourrez mesurer à quelle hauteur se situent les dialogues, une maximum comme celle-ci : « Nattendez rien » Ici, tout flotte, lamour est en suspens, il ny a plus de certitude de soi, on entre dans un chaos, le Dedans du sujet.
Au cœur du sacrifice ceci : la guerre finale — une guerre avec labsolu — et la supplication de l’Éternel pour en être délivré. Oserai-je tirer sur ce fil ? Lindescriptible condition humaine se paie et la monnaie nous la connaissons : la cause qui fait vivre. Voilà létrange bagage que traîne lhumanité. Je me souviens des premières scènes du film, de la parabole du moine plantant son arbre, puis du tableau final de larbre dénudé et je pense aux accents de Dostoievski (celui des frères Karamazov) : « Bientôt tout sexpliquera. »
De là rayonne le film récit dun désespoir qui sachève par la mise au silence du héros, Alexandre, sacrificateur et victime dun Sacrifice qui le dépasse.
– Pierre Legendre 

 



B.S.O. Sacrificio (Offret sacrificatio)

Sur ce site sont présentés :
Tempo di viaggio : 1983 (documentaire ).

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